Gratuit + Edh + Ricky Hollywood
- ELECTRO POP
- Le Club
- Production : TP
GRATUIT (Nantes, FR.)
Programmer trois artistes géniaux et injustement inconnus du grand public dans la même soirée, ça fait plaisir autant que ça fait flipper (angoisse normale de la double casquette - mélomane + organisateur de concert). Comment vous expliquer que dans la délicatesse et la bizarrerie jouissive de EDH, Ricky Hollywood et Gratuit se cache peut-être vos frissons de demain ? Ou, plus précisément, comment vous faire comprendre qu'on vous offre là une des soirées qui vous marquera jusqu'à la fin de vos jours ? Chez Gratuit, Antoine Bellanger dans le civil, l'art doit être total, sinon rien, et Antoine ne se cantonne pas qu'à faire de la musique, on le retrouve aussi derrière la console pour Mansfield Tya, Mein Sohn William ou The Healthy Boy ou dans de drôles de performances. L'ex Belone Quartet est en effet un travailleur sérieux qui joue avec les formes ou les degrés de lecture, et son premier album "Rien" accouchait un jeune poète en souffrance, qu'aujourd'hui on pourrait assimiler à une sorte de Lescop produit par Modeselektor, ou d'un Koudlam en skateboard (à l'époque, on trouvait que c'était comme du TTC noir et intelligent). On trouvait effectivement du hip-hop dans "Rien", mais en fait, Gratuit est un chanteur sensible qui nous offre dans son nouvel album ("Délivrance") une vision absolue de ses démons (romantisme / synthés / electro-pop / solitude) et deux duos magiques avec Françoiz Breut ("Mes Lumières, Mes Veines"), et Julia Lanoë de Mansfield.TYA sur "territoire". Deux choses sont à mettre en évidence en 2013 : la chanson française a trouvé un nouveau souffle en sortant des sentiers battus (on espère que Gratuit et Ricky vont surfer cette nouvelle vague), et la synthpop française allume tellement de feux dans l'underground qu'ils finiront bien par se faire repérer par les secours (le public). Louper cette soirée serait vraiment le truc le plus bête que vous pourriez faire cette année. Ne soyez pas aussi cons que ces journalistes qui ne prennent pas le temps d'écouter les bons disques qui sortent en souterrain. (FL)
EDH (Paris, FR.)
Emmanuelle De Hericourt, EDH à la scène, cultive un jardin potager à l'aide d'engrais toxiques et sa cuisine peut provoquer de douces hallucinations. Ses compagnons de table sont d'ailleurs souvent frapadingues, mais représentent la plus colorée des familles d'outsiders français de la musique électronique, Hypo, Anne Laplantine, Ricky Hollywood, Unison ou O.Lamm, une famille de gens bons un peu fumés. Son nouvel album, aussi bizarre que beau et vraiment funky (oui oui) la dévoile en chef de gang, armée de sa voix, de sa basse et de deux amies pour les synthés et la batterie. Des synthés qui emmènent ses comptines vrillées vers un dancefloor un peu new wave et vraiment cool. Au final moins déconstruit que ses précédents disques (et que ceux avec Hypo), la musique d'EDH a gagné en efficacité – on a hâte de voir ça en live – sans perdre cette douce folie qui caractérise depuis 10 ans maintenant son boulot en souterrain d'invention de nouvelles formes et, le plus important, son talent de mélodiste. En fait, on a beau chercher, on ne trouve pas d'équivalent pour que vous compreniez un peu mieux de quoi il s'agit. Encore une fois, allez écouter Yaviz, son nouvel album, et aussi tous ceux d'avant, sauf si vous ne voulez pas tomber sous le charme et plonger dans une discographie au final bien fournie. Et puis ce qui est bien avec la musique qui sort des sentiers battus, c'est qu'elle résiste au temps, alors rien ne presse, prenez le temps de savourer. Et rejoignez la petite armée de fans qui grossit de jours en jours, et qui finira bien par se faire entendre : c'est un vrai scandale qu'EDH soit si injustement méconnue du grand public. On vous fait confiance pour que ça change les chéris. (FL)
RICKY HOLLYWOOD (Paris, FR.)
Allez, peut-être qu'on vous fera une fiche sur les "outsiders" de la musique bizarre mondiale dans le prochain fascicule. Et Ricky Hollywood en fera partie, mais il serait dommage qu'il se cantonne à ce statut (certes confortable) et trouve le moyen de mettre un pied dans la porte de la salle à manger des puissants, à savoir, par exemple, le bureau d'un journaliste de France Inter, d'Europe 1, du Monde, de Libé, ou des programmateurs des Vieilles Charrues ou Rock en Seine (par exemple). Car depuis 2009 et ses premiers tubes ("je t'éclate la gueule" en tête de gondole, jusqu'au dernier en date – et qui fera date - "L'amour peut-être (feat. Arne Vinzon)", Stéphane Bellity n'a fait que se cacher derrière cette utopie de poète maudit, ou plutôt ce fantasme du musicien génial inconnu ressorti des cartons 20 ans après avec strass et trompettes... Non Stéphane ! N'attends pas d'être vieux pour toucher la gloire, c'est maintenant que ça doit se passer, et il va falloir pour ça que tu fonces dans le tas, que tu gonfles le torse et que tu les défonces tous. Le monde est maintenant prêt à recevoir ta pureté digitale et ta musique néo-sincère. Le rock originel, les synthés vintage et les chansons en français ne sont-elles pas en haut des charts actuellement ? Saute dans cette brèche, ne fais pas l'imbécile. Tes amis d'Egyptology, avec qui tu joues de la batterie sur scène, l'ont bien compris eux. Philippe Katerine aussi. 2013 semble être l'année idéale pour que ton kitch transgressif fasse mouche (Simon Reynolds dirait que tu es peut-être le seul à pouvoir mettre de l'ordre dans cette course à "l'anarchivage du retro-futurisme" engrangé sur les internet – les 12 titres de "party dans le passé", c'est pas du lol cat merde !). Ta musique est nostalgique, libre, électronique, rêveuse, sentimentale, ambitieuse et superbement paradoxale car fondamentalement punk. Ton pseudonyme de star américaine ne doit plus être un masque en 2013 : à toi la belle vie, Ricky. (FL)